Fac-here, le forum de la fac de Rouen et des étudiants rouennais !
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -34%
-34% LG OLED55B3 – TV OLED 4K 55″ 2023 ...
Voir le deal
919 €

Une nouvelle : Et plus si affinités

Aller en bas

Une nouvelle : Et plus si affinités Empty Une nouvelle : Et plus si affinités

Message par Richard Ven 8 Juil 2011 - 14:15

Parce que j'aime beaucoup partager les petites choses que je peux écrire, pour récolter des avis ou lancer un débat, ou tout simplement pouvoir lire d'autres textes à la suite :



Et plus si affinités


Tout est sombre. Les fenêtres brisées ne laissent même pas entrevoir la lumière du jour. Le vent souffle, légèrement, mais d'une froideur particulière. Les cheveux de Thomas s'agitent alors, et, mouillés par l'humidité, ils gèlent. Il se réveille. La nuit fut courte et éprouvante pour le jeune garçon, bien qu'il ne semble pas si fatigué que cela, outre les cernes et les creux que causent la faim et la soif. Il se lève, et sort de son logement de fortune, en direction d’un café. Si bien que le soleil est resplendissant en ce matin de mai, la rue est sombre, malodorante, et le vent n'y arrange rien. Voilà deux ans à présent que Thomas, jeune garçon d'une vingtaine d'années, vit dans ce véritable enfer.

Il y a deux ans, il était la beauté incarnée. L'élégance, le charme. Une allure élancée, délicate, une aura particulière. Un visage fin et pâle, de fines bouclettes brunes, un bouc soigneusement taillé. La pureté au visage, l’innocence dans les yeux. Il illuminait les gens à son passage, et en récoltait de foudroyants éloges comme d'élogieuses insultes, on l’enviait tant on le haïssait pour sa beauté. Le dandysme auquel on pouvait le rapprocher était plus celui de Brummell que celui de Wilde, sauce vingt-et-unième. Il n’était pas des plus spirituels, et ce qui le caractérisait était l’attachement qu’il portait à ses vêtements, à son image chaque jour, sa notoriété, et ses relations lui ouvrant les portes de la mondanité. Le haut de forme et la canne furent-ils décalés qu'il se plaisait encore plus à lui-même lorsqu'il se prenait à marcher, menton fier et torse conquérant, dans cette basse cour s'en faisant le coq. La jouissance l'entretenait, l'arrogance le faisait survivre, la supériorité le ménageait et la beauté le faisait vivre. On l'invitait parfois à boire un verre sur la terrasse d'un bar, dans une réception, ou bien on lui demandait tout simplement son avis sur les choses, parce qu’il était celui qui fascinait, le modèle de tous les jeunes hommes naïfs aspirant à la beauté et l’originalité alors qu’ils en manquaient cruellement. Le monde s'énamourait de lui, par l'incompréhension qu'il nourrissait chez les plus envieux : il était devenu le centre d'attention, le jouet médiatique conscient de ce qu'il était, et Thomas jouait, s'amusait de son traitement. Il se pavanait dans quelques galas pour se railler de l’ambiance et des invités, tenait des propos insultants et grossiers envers les gens qui se permettaient, par mondanité entendons, d’en faire l’éloge ou tout simplement de se servir de son bras comme d’une émeraude visant à capter l’attention. On aurait alors pu penser qu'il était à l’abri d'un manque d'argent, si l’on n’avait jamais visité sa demeure héritée de feu son père qui ne lui en légua même pas les meubles. Les maigres rentes qu’il pouvait avoir disparaissaient aussitôt dans des vêtements, ou des luxes exorbitants, à défaut de remplir son réfrigérateur, et c’était tout là le secret de sa pâle maigreur.

Alors qu'il sortait de chez lui comme chaque après-midi - venant à peine de se lever et de passer quelques heures dans sa salle de bain - pour aller acheter son journal et siroter un jus de citron, il tomba nez à nez avec une femme des plus charmantes, si bien qu'en quelques secondes, il s'en éprit follement, et décida d'en faire une femme de plus à son tableau de chasse, car il n’avait jamais été capable, pour on ne sait quelle raison, de garder une femme à son bras très longtemps. Elle était blonde et d’une silhouette convenable, ses habits masquaient quelques disgrâces que l’on n’aurait pu deviner de l’extérieur. Ses cheveux lui tombaient sur la nuque en un dégradé soigné, tout comme sa légère robe turquoise tombait sur ses jambes d’une beauté rare. Ses fines lèvres appelaient à être embrassées, ses yeux suggéraient le désir, et ses charmantes joues l’affection. Charmer était aisé à Thomas, tant il manipulait adroitement l'art du langage, si bien qu'ils finirent une nuit par s’aimer, après quelques jours de diners aux chandelles et autres artifices dignes des plus grands clichés de la séduction sentimentale. Le lendemain, il lui envoyait une lettre lui disant que la seule chose qu’elle pouvait lui apporter lui avait été donnée cette nuit là. Elle fut extrêmement bouleversée en recevant cette dernière, un mélange d'ego et de fierté anéantis, de tristesse due à un amour fraîchement mais solidement né. Après quelques jours où les litres de larmes versées se firent importants, elle chercha à le retrouver, et à le convaincre. Il l'aimait, elle en était sûre. Elle avait vu l’amour dans ses yeux, et rien ne pouvait l’y tromper. Thomas était habile, et l'avait emmenée dans un appartement qu’il ne louait qu’à la journée ou la nuit de temps à autres. Mais Solange n’abandonna pas. Son père, rédacteur du "Parisien Moderne", un journal aussi stupide que lu, savait très certainement où se trouvait la bâtisse du jeune puisqu'il l'y avait interviewé. Elle vint lui demander l’adresse, et il en fut étonné. Habile, et ne désirant pas qu’il sache pour son aventure, elle prétexta vouloir s’essayer au journalisme, et écrire un article sur l’adonis, ce qui porta ses fruits puisque quelques heures après, elle arrivait à sa demeure.

Mais la rencontre ne fut pas comme Solange l'avait imaginée. Thomas était à peine levé, et son majordome - encore là un luxe du dandy - ne la laissa pas entrer tant que le garçon ne se décidait pas à descendre. Carnet et stylo en mains, elle attendit une bonne demi-heure sur le perron avant que son altesse ne daigne descendre et la recevoir. Il fut surpris de la voir, tellement surpris qu'il sourit et lui baisa le front, tout en lui disant qu'il n'espérait pas la revoir si vite, et qu’il était flatté de voir qu’elle portait la robe de leur rencontre. Elle le gifla, s'assit, prit son stylo, et commença à écrire. Thomas, perplexe, la regardait faire, tout en se caressant doucement la joue. Lorsqu'elle eut fini, elle se leva, et lui demanda d'une voix triste :

"Pourquoi m'as-tu abandonné alors que tu semblais m'aimer ?"

Il réfléchit, un temps, puis répondit en se levant à son tour, d'un ton des plus naturels :

"Je ne m'attache jamais aux gens que j'aime, parce que ma maison n'aurait pas assez de chambres pour les y loger, ou, plus conventionnellement, parce que mon coffre-fort n’aurait pas assez d'argent pour payer tant de divorces."

Elle le regarda, vidée de toute émotion, puis s'enfuit.

Quand Thomas la revit, ce fut deux ans après, alors qu'il sortait de chez lui un matin, ni peigné, ni propre, et vêtu d'oripeaux. Elle sortait d'un café, vêtue d’une élégante robe émeraude, à côté du quel il était assis et mendiait. Elle ne le reconnut pas tout de suite alors qu’elle lui lançait quelques pièces, mais quand cela fut fait, elle se présenta devant lui avec son plus grand sourire, et lui demanda nonchalamment si la vie se portait bien pour lui. Il lui répondit avec haine :

"Tu as dilapidé tant ma beauté que mon argent, je suis condamné à la pauvreté et la saleté à cause de ton minable article de femme frustrée et dénué, d’ailleurs, de tout style. Il n’y a bien que les parisiens pour lire de telles horreurs.

-Au nom de quelques femmes que tu as pu détruire, mon article n'a fait que relater leur avis. Ma plume n'avait rien de particulier, si bien même que je faisais nombre de fautes, mais qu'importe, puisqu’il a été lu par tout Paris ? Le dandy frustré, car tu l’es tout autant, le dandy salaud. Et plus rien d'autre maintenant qu'un mendiant anéantit par ces « parisiens » qu’il se permet encore de mépriser. Fort de ton influence superficielle sur le monde qui t’entourait, tu tes permis de détruire l’une après l’autre des femmes à qui tu as fait croire que tu les aimais.

-Je t'ai aimé, Solange, comme j'ai aimé ces femmes. Mais la vie m'a enseigné que l'amour se consume bien trop vite pour que l'on s'en prive d'une seule goutte. Je suis navré que tu aies dû en pâtir.

-Et pourquoi n'as-tu jamais profité d'autre chose que quelques gouttes versées une nuit ?

-Parce qu'elles sont les plus magiques. Mais elles finissent tôt ou tard par me hanter. Le lendemain matin de notre nuit, fut-elle agréable je m’en souviens encore, je repensais à tes formes qui n’avaient certes rien d’imposantes, à tes vergetures, à la laideur qui parfumait ton si beau corps. Et, comme avec les autres, j'ai compris que je ne pourrai jamais être heureux avec une femme qui, de seconde en seconde, vieillit et devient laide tout en continuant d'être belle. Parce que la beauté est éphémère, et qu’elle constitue pourtant la seule chose en laquelle je suis fidèle dans ce monde.

-Tes propos ne sont pas tellement flatteurs, mais j’ai pour l’instant plus de pitié que de formes. Vois-tu, Thomas, si la beauté est éphémère, la richesse peut l’être aussi. Tes banquiers se sont lassés de tes crédits après ta déchéance, et plus personne ne te recevait. Néanmoins, si lâche et prétentieux sois-tu, tu m'émeus, et avec l'argent qu'il me reste grâce à cet article qui a fait ta ruine et ma fortune, j'ai bien de quoi te payer un café, et plus si affinités."

Une suite existe, demandez si ça vous intéresse ;-)
Richard
Richard
Habitué de Fac-here
Habitué de Fac-here

Masculin Messages : 395
Age : 30 Sens de l'accueil 1409 Appréciation des réponses 108
Campus :
  • Mont-Saint-Aignan,
Cursus : Lettres Modernes
Année : L2
Association représentée Caractères
Inscription : 07/07/2011
Je me suis présenté(e) dans la section appropriée :) Je suis sous Windows J'utilise Opera Point fort en culture Y'en a plein !!

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum