Censure et liberté d'expression

Le livre du jour
Ecrits interdits : sombre panorama

François Fillon était décidément un homme d'avenir ! Ministre des télécommunications en 1996, il a été le premier homme politique français à vouloir instaurer une censure sur Internet, " un habituel réflexe politique", note Florent Latrive, journaliste à Libération et un des onze coauteurs du Livre noir de la censure.

Un bref rappel des faits s'impose. Alors qu'Internet était balbutiant, deux affaires, l'une aux relents antisémites, l'autre pédophile, avaient défrayé la chronique, transformant la Toile aux yeux de l'opinion publique, " en repère de "pédonazis" ". Par le biais d'un amendement à une loi de libéralisation des télécoms, l'autorité administrative du secteur se voyait dotée d'un pouvoir général de censure, amendement censuré par le Conseil constitutionnel.

François Fillon ne faisait qu'épouser l'air du temps. Aux Etats-Unis, la Cour suprême a eu à se prononcer la même année sur un cas proche. Internet nourrit de la méfiance. Rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Philippe Val partait en guerre contre les internautes décrits comme "des tarés, des maniaques, des fanatiques ". Françoise Giroud, dans Le Nouvel Observateur, fustigeait Internet, " ce danger public " ouvert à " n'importe qui pour dire n'importe quoi ".

A noter aussi que c'est en 1996 que l'affaire Gäbler - du nom du médecin qui avait révélé dans un livre le cancer de François Mitterrand - " marque l'entrée de l'Internet en politique ". L'éditeur Plon censuré, un " bistrotier philanthrope ", Ã la tête d'un cybercafé, avait scanné les pages du livre interdit et les avait mises en ligne. Un passage de témoin s'établit entre l'édition bien souvent au coeur des affaires de censure et le réseau Internet.

Car dans ce Livre noir de la censure qu'a piloté l'avocat Emmanuel Pierrat, ce qui est mis en évidence, c'est que la tentation de la censure est omniprésente, et qu'elle touche tous les secteurs de l'économie et de la société. Protéiforme, la censure se montre menaçante dès lors que des intérêts financiers sont en jeu. Pour l'avocate Sophie Viaris de Lesegno, " la censure des entreprises est un systême tellement rodé qu'il fonctionne tout seul, prenant la forme de l'autocensure ".

Emmanuel Pierrat énumère les mutations. Alors qu'autrefois la censure a priori dominait, les atteintes à la liberté d'expression se font de plus en plus sentir a posteriori, même si l'autocensure, phénomène
difficilement quantifiable, entre dans la première catégorie. Pour des raisons économiques, elle serait d'ailleurs pratiquée à une large échelle, notamment dans les médias, estime l'avocate Magaly Lhotel,
qui traite le sujet.

Parmi les autres tendances, figure " la constitution d'entités juridiques dont le seul dessein est d'agir sur le terrain du droit et non plus celui de la seule réprobation morale ". Cette pratique est courante dans le domaine religieux, où ce n'est plus l'institution attaquée qui va désormais réagir, mais une association ad hoc qui devient le bras armé de l'institution critiquée. Le procédé tend à se généraliser. De même, Emmanuel Pierrat note deux évolutions qui renforcent le poids de la censure. D'un côté, elle se privatise, de l'autre, on assiste au retour de l'Etat censeur. La loi Perben II, qui entend priver un criminel de droits d'auteur, au cas où un éditeur lui propose d'écrire ses mémoires, en est un exemple manifeste.

Alain Beuve-Méry



Le Livre noir de la censure
sous la direction
d'Emmanuel Pierrat
Seuil, 352 pages, 21,50

Branwen a écrit:1984... bah en le lisant, j'ai pas l'impression qu'il y ai énormement de différence, mis à part le coté fascisme qu'on retrouve dans le livre, on y est.

Pour ceux qui le veulent Arret sur Images EXISTE TOUJOURS !!!!!
mais online.. donc hésitez pas, c'est toujours aussi bien ^^